Au cimetière avec Mamie
Aller au cimetière avec Mamie, c’est faire un tour dans les archives du Faou.
Dès l’entrée, sur la droite, il y a plusieurs tombes de jeunes du village sur lesquelles est inscrite la mention ‘’Fusillé par les Allemands à Mousterlin’’. Mamie pince toujours les lèvres après avoir lu cette inscription à voix haute. Elle me raconte des bribes de l’occupation. C’est un sujet tabou pour sa génération. Pépé m’en a parlé une ou deux fois seulement depuis que je suis en âge de comprendre. C’est tout un groupe de jeunes qui a été exécuté ce jour là en 1944. Elle m’a dit que c’était suite à une délation. Elle en parle peu, mais l’intensité de sa colère est toujours la même. Froide et silencieuse. Puis un peu plus loin, il y a la tombe de la famille Dubois. Les Dubois étaient des amis de mon arrière grand-mère. ‘’Ils se sont beaucoup occupés de Jean, Mémé et moi quand notre père est mort.’’ Mamie a perdu son père quand elle avait 16 ans. ‘’Tu te rends compte, ils venaient d’enterrer leur fils et ils étaient aux funérailles de mon père quelques semaines après pour nous soutenir.’’ Max, le fils des Dubois, faisait partie des jeunes du village fusillés. ‘’Il est mort en chantant la Marseillaise’’. (La lettre de Max à ses parents est disponible ici) ‘’C’était leur seul enfant. Quand Mr Dubois est mort, sa femme a posé la lettre de leur fils sur son cœur. Il est enterré avec’’. La gorge me serre à chaque fois, même si Mamie radote un peu et que j’ai déjà entendu tout ça.
Derrière les Dubois, sied un grand monument funéraire, et le mot monument est approprié. Je ne connais pas ces personnes et leur tombe n’est jamais fleurie. En passant devant, Mamie dit toujours, avec une pointe d’agacement, ‘’Ceux-ci, même dans la mort faut qu’ils en mettent plein la vue à tout le monde..’’. C’était une famille bourgeoise du village qui avait semble-t-il peu de considération pour les petites gens. ‘’Oui mais regarde Mamie, il n’y a sur leur tombe que le froid de la pierre.’’ ‘’Mmmh’’ répond-t-elle. Puis nous allons toujours sur la tombe de Mémé, raison pour laquelle nous nous rendons au cimetière à chacune de mes visites au Faou. Mamie et moi parlons peu quand on est devant la tombe de ses parents. Le chagrin de leur absence lui pèse toujours. Je redresse comme à mon habitude le crucifix qui est incliné à cause de la rotation de la Terre. Mamie reprend la discussion :
- Quand Pépé et moi on mourra, on se fera incinérer et j’aimerais que nos urnes soient en forme de mains sur un coeur et sur cette tombe.’’
La simple pensée de la mort de mes derniers grands parents me brise le cœur à chaque fois qu’elle en parle.
- Ben moi je veux pas que vous mourriez.
- Il faudra bien ma petite. Faut laisser la place aux plus jeunes.
- Non, jamais.
Ça la fait toujours sourire. Elle reprend.
- Tu sais ma petite, les morts sont vraiment morts quand on arrête de parler d’eux. Nous on est assez vieux. On est si vieux qu’on a plus d’amis au cimetière que dans notre rue.’’
Et voilà comment Mamie me fait sourire, alors qu’on passe la grille du cimetière et qu’on rentre à la maison.
Dès l’entrée, sur la droite, il y a plusieurs tombes de jeunes du village sur lesquelles est inscrite la mention ‘’Fusillé par les Allemands à Mousterlin’’. Mamie pince toujours les lèvres après avoir lu cette inscription à voix haute. Elle me raconte des bribes de l’occupation. C’est un sujet tabou pour sa génération. Pépé m’en a parlé une ou deux fois seulement depuis que je suis en âge de comprendre. C’est tout un groupe de jeunes qui a été exécuté ce jour là en 1944. Elle m’a dit que c’était suite à une délation. Elle en parle peu, mais l’intensité de sa colère est toujours la même. Froide et silencieuse. Puis un peu plus loin, il y a la tombe de la famille Dubois. Les Dubois étaient des amis de mon arrière grand-mère. ‘’Ils se sont beaucoup occupés de Jean, Mémé et moi quand notre père est mort.’’ Mamie a perdu son père quand elle avait 16 ans. ‘’Tu te rends compte, ils venaient d’enterrer leur fils et ils étaient aux funérailles de mon père quelques semaines après pour nous soutenir.’’ Max, le fils des Dubois, faisait partie des jeunes du village fusillés. ‘’Il est mort en chantant la Marseillaise’’. (La lettre de Max à ses parents est disponible ici) ‘’C’était leur seul enfant. Quand Mr Dubois est mort, sa femme a posé la lettre de leur fils sur son cœur. Il est enterré avec’’. La gorge me serre à chaque fois, même si Mamie radote un peu et que j’ai déjà entendu tout ça.
Derrière les Dubois, sied un grand monument funéraire, et le mot monument est approprié. Je ne connais pas ces personnes et leur tombe n’est jamais fleurie. En passant devant, Mamie dit toujours, avec une pointe d’agacement, ‘’Ceux-ci, même dans la mort faut qu’ils en mettent plein la vue à tout le monde..’’. C’était une famille bourgeoise du village qui avait semble-t-il peu de considération pour les petites gens. ‘’Oui mais regarde Mamie, il n’y a sur leur tombe que le froid de la pierre.’’ ‘’Mmmh’’ répond-t-elle. Puis nous allons toujours sur la tombe de Mémé, raison pour laquelle nous nous rendons au cimetière à chacune de mes visites au Faou. Mamie et moi parlons peu quand on est devant la tombe de ses parents. Le chagrin de leur absence lui pèse toujours. Je redresse comme à mon habitude le crucifix qui est incliné à cause de la rotation de la Terre. Mamie reprend la discussion :
- Quand Pépé et moi on mourra, on se fera incinérer et j’aimerais que nos urnes soient en forme de mains sur un coeur et sur cette tombe.’’
La simple pensée de la mort de mes derniers grands parents me brise le cœur à chaque fois qu’elle en parle.
- Ben moi je veux pas que vous mourriez.
- Il faudra bien ma petite. Faut laisser la place aux plus jeunes.
- Non, jamais.
Ça la fait toujours sourire. Elle reprend.
- Tu sais ma petite, les morts sont vraiment morts quand on arrête de parler d’eux. Nous on est assez vieux. On est si vieux qu’on a plus d’amis au cimetière que dans notre rue.’’
Et voilà comment Mamie me fait sourire, alors qu’on passe la grille du cimetière et qu’on rentre à la maison.