La fois où on est allés aux danseuses(*)
*Les prénoms ont été changés pour maintenir la confidentialité de la vie dissolue de mes amis
En marge de la parade de Montréal (La Gay Pride, ouh les vilaines tapettes!), mes amis Nina, Marie, Anne-Clothilde et Etienne avaient décidé de m'emmener aux danseuses. D'abord peu encline à voir apparaître des tutus dans ma mire au milieu de la nuit et entre 2 bars, je compris vite qu'il ne s'agissait pas d'une performance comme celle de Delphine que j'étais allé voir à son spectacle de danse quand on était en 3ème. Non, il s'agissait là d'un tout autre type de danseuses. L'amie de Marie, installée à Montréal depuis des lustres, nous conseilla un établissement en particulier.
Nous lui fîmes confiance et arrivâmes donc devant ladite masure, qui portait bien mal son nom ; ''Gentlemen's choice''. Alors que nous n'étions pas encore à l'entrée, un gorille en costume cravate sombre surgit d'un renfoncement obscure et nous accueillit avec un suave ''C'est 5$''. Il me fit sursauter, loti dans son porche, on eut dit une créature qui jaillit des ténèbres. Je dus me déplacer une cervicale pour pouvoir apercevoir son visage, que j'ai oublié depuis. Patibulaire mais presque, soufflerait mon père.
A l'intérieur, nous fûmes immédiatement plongés, que dis-je, noyés dans une atmosphère à laquelle je n'avais jamais été confrontée auparavant : Les néons fluorescents rivalisaient avec le mobilier futuriste. La bâtisse, d'apparence vide, nous laissa grand choix où nous installer. La fortune nous accompagnant, nous vîmes que la table juste devant l'estrade était libre. A vrai dire, toutes l'étaient. Nina voulait que cette expérience me soit inoubliable, elle alla donc me commander un nectar de houblon, après quelques complaintes de mes compères constatant que le montant de chacun des breuvages équivalait au PIB du Turkménistan.
Après plusieurs minutes de frénésie quant à la teneur de notre conclave peu catholique, le gorille qui faisait également office d'animateur nous annonça l'arrivée imminente de ''La Sexy Lisa''. Exaltés à l'idée de découvrir cette créature prometteuse, nous encourageâmes de vive voix son apparition.
Elle se présenta avec un sourire à l'envers et une mine accueillante comme une porte de prison. Ses longs cheveux bruns fouettaient son dos dénudé alors qu'elle astiquait de ses mains la barre métallique, tandis que sa toison bigarrait avec ses interminables ongles blancs. Le mouvement méthodique de ses mains me donna l'impression qu'elle nettoyait cet axe ferreux. Considérant les trente secondes pendant lesquelles La Sexy Lisa resta devant nous, il me sembla que sa prestation s'apparentait effectivement à une séance de nettoyage préliminaire de son outil de travail. Soit, c'était un échauffement, me dis-je.
Elle revint quelques minutes plus tard, le visage éloquent et débordant d'autant d'enthousiasme que la fois précédente. Mon attention se porta alors sur ses souliers en plastique translucide : Ils s'apparentaient à des plate-formes de plexiglas juchées sur une antenne de télécommunication. Il me vint à l'esprit la diatribe d'un membre du personnel soignant, fonction pandémique dans la dynastie paternelle, scandant les méfaits des talons hauts sur le dos. La Sexy Lisa n'en faisait semble-t-il pas grand cas.
Je ne pus me résoudre à me concentrer sur les charmes que cette enjôleuse à la crinière de charbon prenait pour acquis. Mes pensées s'évertuaient désespérément à divaguer sur le sort de cette pauvre nymphe. Elle était la nièce, la fille, la sœur de quelqu'un. Savaient-ils qu'elle se courbait pour se faire insérer, dans le meilleur des cas, des supports en polymère affichant le portrait de la Reine Élisabeth II ? Que penserait la monarque de savoir que son visage frottait les courbes d'une femme de petite vertu ?
Peut être perçut-elle mon manque d'intérêt pour les éclats qu'elle tentait d'exhiber avec si peu d'entrain. Peut être que la présence de femmes aux tendances saphiques et d'un homme peu sensible aux appâts féminins atteignirent le paroxysme de son agacement. Après 30 autres secondes, nous ne revîmes plus jamais La Sexy Lisa.
La nuit s'étirant, nous décidâmes de poursuivre la soirée dans un autre établissement, celui-là plus conventionnel.
Avant de quitter les lieux, Marie et moi prîmes la décision d'échanger quelques mots avec le gorille.
''Coudon, elle est tu sous Exomil votre danseuse ?'' vociféra ma comparse. ''Je vais la rappeler'', se confondit-il en excuses. ''Écoutez, laissez tomber. Elle déborde tellement de joie de vivre que j'ai peur pour son rythme cardiaque.'', ajoutai-je. Alors que nous allions franchir la porte, une maritorne d'environ un mètre cinquante accourut au secours du gorille. Elle lui arrivait à la hanche. ''Qu'est ce qui se passe ?'' glapit-elle d'un ton menaçant. Nous partîmes sans nous retourner. Rien madame, mais je vous jure que nous rirons encore de cette soirée dans de nombreuses années.
En marge de la parade de Montréal (La Gay Pride, ouh les vilaines tapettes!), mes amis Nina, Marie, Anne-Clothilde et Etienne avaient décidé de m'emmener aux danseuses. D'abord peu encline à voir apparaître des tutus dans ma mire au milieu de la nuit et entre 2 bars, je compris vite qu'il ne s'agissait pas d'une performance comme celle de Delphine que j'étais allé voir à son spectacle de danse quand on était en 3ème. Non, il s'agissait là d'un tout autre type de danseuses. L'amie de Marie, installée à Montréal depuis des lustres, nous conseilla un établissement en particulier.
Nous lui fîmes confiance et arrivâmes donc devant ladite masure, qui portait bien mal son nom ; ''Gentlemen's choice''. Alors que nous n'étions pas encore à l'entrée, un gorille en costume cravate sombre surgit d'un renfoncement obscure et nous accueillit avec un suave ''C'est 5$''. Il me fit sursauter, loti dans son porche, on eut dit une créature qui jaillit des ténèbres. Je dus me déplacer une cervicale pour pouvoir apercevoir son visage, que j'ai oublié depuis. Patibulaire mais presque, soufflerait mon père.
A l'intérieur, nous fûmes immédiatement plongés, que dis-je, noyés dans une atmosphère à laquelle je n'avais jamais été confrontée auparavant : Les néons fluorescents rivalisaient avec le mobilier futuriste. La bâtisse, d'apparence vide, nous laissa grand choix où nous installer. La fortune nous accompagnant, nous vîmes que la table juste devant l'estrade était libre. A vrai dire, toutes l'étaient. Nina voulait que cette expérience me soit inoubliable, elle alla donc me commander un nectar de houblon, après quelques complaintes de mes compères constatant que le montant de chacun des breuvages équivalait au PIB du Turkménistan.
Après plusieurs minutes de frénésie quant à la teneur de notre conclave peu catholique, le gorille qui faisait également office d'animateur nous annonça l'arrivée imminente de ''La Sexy Lisa''. Exaltés à l'idée de découvrir cette créature prometteuse, nous encourageâmes de vive voix son apparition.
Elle se présenta avec un sourire à l'envers et une mine accueillante comme une porte de prison. Ses longs cheveux bruns fouettaient son dos dénudé alors qu'elle astiquait de ses mains la barre métallique, tandis que sa toison bigarrait avec ses interminables ongles blancs. Le mouvement méthodique de ses mains me donna l'impression qu'elle nettoyait cet axe ferreux. Considérant les trente secondes pendant lesquelles La Sexy Lisa resta devant nous, il me sembla que sa prestation s'apparentait effectivement à une séance de nettoyage préliminaire de son outil de travail. Soit, c'était un échauffement, me dis-je.
Elle revint quelques minutes plus tard, le visage éloquent et débordant d'autant d'enthousiasme que la fois précédente. Mon attention se porta alors sur ses souliers en plastique translucide : Ils s'apparentaient à des plate-formes de plexiglas juchées sur une antenne de télécommunication. Il me vint à l'esprit la diatribe d'un membre du personnel soignant, fonction pandémique dans la dynastie paternelle, scandant les méfaits des talons hauts sur le dos. La Sexy Lisa n'en faisait semble-t-il pas grand cas.
Je ne pus me résoudre à me concentrer sur les charmes que cette enjôleuse à la crinière de charbon prenait pour acquis. Mes pensées s'évertuaient désespérément à divaguer sur le sort de cette pauvre nymphe. Elle était la nièce, la fille, la sœur de quelqu'un. Savaient-ils qu'elle se courbait pour se faire insérer, dans le meilleur des cas, des supports en polymère affichant le portrait de la Reine Élisabeth II ? Que penserait la monarque de savoir que son visage frottait les courbes d'une femme de petite vertu ?
Peut être perçut-elle mon manque d'intérêt pour les éclats qu'elle tentait d'exhiber avec si peu d'entrain. Peut être que la présence de femmes aux tendances saphiques et d'un homme peu sensible aux appâts féminins atteignirent le paroxysme de son agacement. Après 30 autres secondes, nous ne revîmes plus jamais La Sexy Lisa.
La nuit s'étirant, nous décidâmes de poursuivre la soirée dans un autre établissement, celui-là plus conventionnel.
Avant de quitter les lieux, Marie et moi prîmes la décision d'échanger quelques mots avec le gorille.
''Coudon, elle est tu sous Exomil votre danseuse ?'' vociféra ma comparse. ''Je vais la rappeler'', se confondit-il en excuses. ''Écoutez, laissez tomber. Elle déborde tellement de joie de vivre que j'ai peur pour son rythme cardiaque.'', ajoutai-je. Alors que nous allions franchir la porte, une maritorne d'environ un mètre cinquante accourut au secours du gorille. Elle lui arrivait à la hanche. ''Qu'est ce qui se passe ?'' glapit-elle d'un ton menaçant. Nous partîmes sans nous retourner. Rien madame, mais je vous jure que nous rirons encore de cette soirée dans de nombreuses années.