Il y a des goûts qui vous ramènent des décennies en arrière. C’est la même chose pour les odeurs.
Un de mes étudiants, David, détestait l’odeur du café. Quand il s’est senti en confiance avec moi, il m’a raconté pourquoi il abhorrait cette odeur : Elle était liée à un traumatisme de son enfance. Quand David était petit, son père qu’il adorait plus que tout était pilote et partait très souvent pendant de longues semaines. Avant de quitter sa famille, il buvait toujours un café puis il embrassait son fils. David a donc associé l’odeur du café (et celle du Kérosène) à l’absence de son père.
Voici celles qui me font voyager dans le temps, avec de bons et de mauvais souvenirs.
Voici celles qui me font voyager dans le temps, avec de bons et de mauvais souvenirs.
- L’odeur des oranges fraîchement pressées et du café fort me rappellent les vacances chez Pépé et Mamie. Chaque matin, Pépé se faisait un plaisir de me faire un jus d’orange frais et Mamie me préparait une tasse de café. Sur la table, on aurait dit qu'elle avait renversé la corne d’abondance sur la table de la cuisine: 2 ou 3 sortes de pain, des crêpes, des fruits, du miel, de gros sucres bruns en morceaux et j’en passe. Aujourd’hui, la fin de semaine, je me fais un plaisir de me presser des oranges juste pour me rappeler mes grands-parents. 1990-2004
2. L’odeur des parkings souterrains me ramène au moment précis où notre BX rentrait dans le ventre du Ferry pour aller en Angleterre, Irlande ou Écosse. Je ne sais pas à quoi est dûe cette senteur particulière, peut être les gaz d’échappement, le caoutchouc des pneus ou les sols et murs. Mais je nous revois tous les 5 dans la voiture puis la petite cabine avec les lits superposés, mon mal de mer, la traversée de nuit, les Fish And Chips puis enfin la lumière du jour quand la voiture sortait du bateau côté Irlande ou Angleterre et où il fallait tout de suite penser à rouler à gauche. Ces souvenirs me reviennent quand j’accompagne ma collègue handicapée à sa voiture dans le stationnement souterrain de notre tour. Elle sait (car je lui ai raconté), m’entendant prendre une grande respiration, que je retourne des années en arrière l’espace de quelques minutes. 1992-1994
3. L’odeur de l’huile d’olive me fait penser à l’huile solaire que Maman s’était fabriquée et qu’elle mettait dans une vieille bouteille de démaquillant. Maman, très brune de peau et moi, beige-verte, bronzions sur la terrasse ce qui était une torture pour moi et un plaisir pour elle. Comme j’aimais l’odeur, je lui demandais de m’en mettre juste sous le nez. 1992-1996
4. L’odeur du cuir des sièges de la 2CV restée au soleil, je ne la sens plus mais je m'en rappelle. Mémé Thérèse prenait sa Deudeuche pour nous emmener à la piscine de Gouarec. Je me souviens des poignées en demi-cercle, des fenêtres qui se repliaient de moitié vers le haut, et du bruit du moteur quand elle accélérait. 1992-2000
5. L’odeur du tabac froid me ramène dans la cuisine à Rostrenen. Je vois Pépé vêtu de son polo gris-bleu, assis toujours à la même place à table avec sa Gauloise et son cendrier, le rideau en plastique marron (couleur similaire à la nappe), le carrelage fait de petits carrés jaunes, noirs et rouges, le tapis vert de Bobby sous le radiateur près du lave-vaisselle. J’entends la voix de Pépé et son accent bizarre, la respiration de Mémé et le bruit de ses sabots orthopédiques. 1992-2000
6. L’odeur de la climatisation me rappelle cette chaude journée avec ma Marraine, dans sa Golf noire, qui allait et venait chercher mes 3 cousins à leurs diverses activités, et mes discussions avec elle sur la vie. Elle me racontait entre autres comment elle s’occupait des triplés, de toute la logistique de transports, de finance et d’éducation. Je retrouve cette odeur et ce moment à chaque fois que quelqu’un allume une clim dans un véhicule. 2002
7. L’odeur de gaz d’échappement des motos me ramène sur la moto derrière mon père. Le vent dans le corps, les vibrations du moteur, les à-coups aux changements de vitesse, le clac des pédales, puis le calme et le silence quand on arrivait (souvent au bord de la mer). De temps en temps on allait se promener avec son ami Jean Michel qui avait 2 ou 3 motos différentes. Mais la moto de mon père était bien plus confortable. 2003-2006
8. L’odeur de la peinture fraîche, c’est celle de l’époque de la cité U. Après avoir campé quelques semaines chez mes amies qui avaient déjà leur appartement, j’avais enfin mon chez moi une fois que tous les boursiers étaient servis. Un été, ils ont refait à neuf toutes les chambres qui dataient des années 60’s et c’est cette odeur qui me ramène au moment où je suis entrée dans ma chambre toute refaite. Là, je me revois travailler pour espérer devenir journaliste, mais avec le Canada comme plan B. Je me souviens aussi de quelques cours d’université dont un des profs ressemblait trait pour trait à Sean Connery, et nous enseignait l’histoire de l’Irlande. Je retrouve cette odeur dans le Pogo de Maman et Gégé et dans les bus neufs de la ville de Gatineau. 2004-2005
9. L’odeur des fleurs me fait mal au ventre et me serre la gorge. À chaque fois que je sens cette odeur, je me retrouve à l’époque de la mort d’Anna. Pendant des années je suis passée en apnée devant des fleuristes parce que ça remuait ces souvenirs dramatiques. Les gens autour pensaient même que j’étais allergique au pollen parce que j’avais les larmes aux yeux à chaque fois que j’étais en présence du parfum des fleurs. Aujourd’hui je vais en sentir régulièrement et de mon plein gré pour me construire de nouveaux souvenirs olfactifs. Et puis, des souvenirs d’Anna, j’ai en ai plein d’autres. 2006
10. L’odeur du café instantané me rappelle les Thénardier et les 3 semaines passées avec eux à Toulon. Le petit dèj sur le balcon devant la Méditerranée à regarder la navette qui m’emmènerait au port de Toulon et les navires de la marine française qui rejoignaient la base de St Mandrier. J’apprécie ce souvenir quand je sirote mon café au bureau. 2006